Mes illusions perdues
« Je t’aime – cette parole est la plus mystérieuse qui soit, la seule digne d’être commentée pendant des siècles. »
Christian Bobin, La plus que vive
« Que les choses ont changé
Que les fleurs ont fané
Que le temps d'avant
C'était le temps d'avant »
Céline Dion, Pour que tu m’aimes encore
Je t’aime. Trois mots qui contiennent deux mondes : celui des amoureux radieux et celui des cœurs rompus en deux.
On se souvient toujours de la première fois où ils se sont introduits dans une relation. Il y a les je t’aime que l’on a fait résonner dans tous les recoins dans notre intériorité avant de les prononcer, et ceux qui ont jailli de notre cœur sans qu’on ait pu les contrôler. Les je t’aime que l’on a écrits pudiquement et ceux que l’on a articulés avec gravité. Ceux que l’on a chuchotés dans une oreille, ceux que l’on a criés, ceux que l’on a expirés dans des effluves de sensualité. Ceux qui étaient portés par la fougue et ceux qui étaient alourdis par le désespoir. Ceux qui nous sont revenus en écho et ceux qui se sont fracassés contre le silence.
Lorsque le couple s’épanouit, les je t’aime des mois qui suivent ont une saveur particulière. On a beau savoir qu’ils sont déclarés par un nombre infini d’amoureux, ils semblent n’appartenir qu’à nous deux, décrire l’intensité de nos seuls sentiments. Ils sont gourmands comme notre faim de l’autre, salés comme sa peau, ronds comme les poignées d’amour qui s’épanouissent dans les festins partagés. Ils portent le parfum floral du printemps, l’odeur addictive d’une nuque, la fragrance entêtante de l’éternité.
On se souvient moins bien du moment où les je t’aime ont commencé à se délaver, à se dessécher, à être envoyés sans être pesés. On identifie trop tard ceux qui déguisaient des petits mensonges et ceux qui maquillaient des grandes trahisons.