Le dos de la petite cuillère #2
Ici, on craquelle le vernis de l’existence comme on brise la surface croustillante d’une crème brûlée : avec délicatesse et vigueur.
« Le dos de la petite cuillère », c’est la missive que vous recevez une fois par mois sur abonnement gratuit à ma newsletter.
Afin d’explorer tout ce que la vie recèle de gourmandises, je vous soumets ici des livres, podcasts, recettes ou restaurants, soins et découvertes éclectiques qui nourrissent le quotidien et invitent à le ressentir plus intensément.
Dans cette deuxième édition, je vous propose de destituer le tyran culpabilisateur, de manger le Japon pour moins de 30 euros, de faire vibrer la corde sensible, de redorer le blason de la manucure, d’aimer comme on regarde la mer, de drainer les levers de coude, de vous approvisionner comme un chef et d’investir dans un verger.
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Destituer le tyran culpabilisateur
Mona Chollet est une papesse du féminisme. Ses livres – dont « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » et « Réinventer l’amour, comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles » font figure d’ouvrages de référence et je ne saurais suffisamment vous en recommander la lecture.
Son nouvel essai intitulé « Résister à la culpabilisation, sur quelques empêchements d’exister » (publié chez Zones, comme les précédents), agit comme un puissant massage des cervicales pour toutes celles qui portent sur leurs épaules le poids écrasant de la culpabilité.
Cette culpabilité nous est parfois infligée de l’extérieur mais souvent, l’agresseur n’est autre que nous-même... Et nous sommes si nombreuses à l’entendre, cette petite voix maléfique qui nous maltraite, nous insulte (« quelle conne » figurant au panthéon des jurons), nous fait sévèrement la morale au moindre écart de conduite, nous assène en permanence qu’on n’est pas assez ceci ou qu’on est trop cela.
Ce tyran intérieur, d’où tire-t-il son pouvoir ? Dans quels domaines se manifeste-t-il particulièrement ? Et comment le destituer de ses fonctions ?
Ce sont les questions que Mona Chollet adresse dans ce livre et c’est passionnant.
Le chapitre dans lequel elle aborde le culte du travail, qui nous fait indexer notre valeur sur notre productivité, est un trésor pour toutes les stakhanovistes de mon espèce qui n’en font jamais assez pour satisfaire la petite voix despotique.
J’ai notamment souligné les trois phrases suivantes, qui vous feront peut-être cheminer jusqu’à votre librairie :
« J’ai appris très tôt à ne rien m’accorder si je ne l’avais pas dûment mérité. »
« Apparemment, je m’en veux de ne pas être une machine. »
« Mon seul problème, la seule raison de mon inquiétude, c’est que je reste persuadée que mon devoir est d’être productive, pas d’être vivante. »
Manger le Japon pour moins de 30 euros
Les restaurants qui servent des sushis sont nombreux à Paris. Leur nombre décroît substantiellement lorsqu’on requiert qu’ils soient authentiques (ce qui exclut, de toute évidence, ceux qui disposent des bouteilles de sauce soja sucrée sur les tables et proposent des california rolls au saumon et fromage frais). Leur nombre chute encore drastiquement lorsqu’on ajoute comme critères que le cadre ne soit pas austère et que les prix pratiqués ne tutoient pas le sommet du Mont Fuji.
Totto, spécialisé dans le poisson cru, se situe exactement dans cette vénérable catégorie de tables nippones qui proposent une pêche savoureuse à des tarifs abordables dans une atmosphère où il fait bon manger.
Après avoir aiguisé leurs couteaux chez Issé, les chefs Terutaka Izumi et Nanyo Kurihashi sont depuis deux ans à la tête de cet établissement miraculeux du 12ème arrondissement.
Le midi, les coquets assortiments de nigiris ou de sashimis – assortis d’une soupe miso réalisée dans les règles de l’art et de tsukidashi (une mise en bouche) – se baguettent pour moins de 30 euros.
Je dois reconnaître qu’il est difficile, cependant, de résister à la tentation de convier à la fête les tamagoyaki (l’omelette japonaise, qui y est divinement exécutée), kabayaki (l’anguille grillée et caramélisée) et autres temakis (les sushis en forme de cône – celui au thon gras et ciboulette est aussi triomphal que cette photo le suggère).
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Faire vibrer la corde sensible
Je suis cyclo-obsessionnelle dans le domaine de la musique. Lorsque je découvre une chanson qui me plaît particulièrement, je l’écoute sans relâche et ce, jusqu’à ce que s’estompent les chatouillements que sa mélodie provoque dans mon corps.
En septembre, c’est September Fields de Frazey Fords qui a fait vibrer ma corde sensible trop de fois pour les énumérer sans vous inquiéter.
En octobre, ce fut Too Sweet d’Hozier tel qu’interprété par The Macarons Project. Le duo Indonésien résidant au Canada propose des reprises qui sont toutes enchanteresses mais celle-ci contient un irrésistible pousse-à-la-réécoute.
Redorer le blason de la manucure
J’entretiens une relation ambivalente avec les manucures. J’aime la sensation de propreté qu’elles procurent et la rutilance des ongles qu’elles permettent autant que je déteste l’opération de renouvellement qu’elles impliquent toutes les trois semaines.
Cette heure passée dans un institut dédié, qui nous est traditionnellement vendue comme un « moment pour nous », me fait personnellement brûler dans les flammes de l’ennui.
Pour élever le quotient émotionnel du moment, j’enfile mes écouteurs et lance de la musique à pleins décibels, faisant fi des règles de politesse élémentaire.
Ma goujaterie envers celle qui me vernit les extrémités n’est pas impunie et je ressors souvent avec des ongles trop longs, trop carrés ou trop pointus et des cuticules aussi dépitées que moi.
Ça, c’était avant que je ne rencontre Élise.
Élise, qui officie derrière le compte @griffegriffegriffe, propose des manucures qui redorent pleinement le blason de la prestation.
Dans un écrin tenu secret du 6ème ou du 8ème arrondissement de Paris (selon les jours), elle réalise un travail d’orfèvre avec la plus grande douceur. Et si j’ai une affection particulière pour les teintes rubis, il serait dommage de passer à côté des délicates lignes dorées qui font sa renommée.
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Aimer comme on regarde la mer
Un des livres qui m’a le plus bousculée récemment est « Une nuit particulière » de Grégoire Delacourt, qui est paru en 2023 chez Grasset.
Je lui ai dédié un épisode de la série « Ressentir les livres » de mon podcast, dans laquelle je réalise des lectures à voix haute d’extraits d’ouvrages qui m’ont particulièrement touchée.
Parmi les phrases que j’ai relevées pendant la lecture d’« Une nuit particulière » et qui continuent à résonner fort en moi, il y a celle-ci :
« Je l’aime comme on regarde la mer. »
La formule est d’une poésie folle et elle plonge dans des abysses de réflexion lorsqu’on tente d’en saisir le sens.
Comment regarde-t-on la mer ? Et regarde-t-on toutes et tous la mer de la même façon ?
Cet amour est-il un amour qui apaise ? Un amour qui étreint la mélancolie, qui lave les chagrins ? Un amour qui porte en lui l’horizon ?
Et que penser de la dimension contemplative ? Lorsqu’on regarde la mer, on ne se mouille pas, on ne s’y baigne pas, elle reste toujours à distance, vaguement étrangère…
Est-il enviable d’aimer et d’être aimé comme on regarde la mer ?
Qu’est-ce que cela vous évoque, à vous ?
Drainer les levers de coude
Si on connaît les bienfaits d’une hygiène de vie saine, n’est pas Gwyneth Paltrow qui veut et en ce qui me concerne, les dérapages sont aussi réguliers qu’essentiels à mon équilibre.
Il y a plusieurs années, j’ai découvert le caractère providentiel de la méthode Renata França pour atténuer les stigmates sur mon organisme des dîners où j’ai le coude léger et le coup de fourchette bestial. Cette méthode tend, par des massages réalisés en suivant des protocoles précis, à stimuler la circulation lymphatique et à favoriser l'élimination des toxines et des liquides engorgés dans les tissus.
L’idée n’est pas de viser un quelconque amincissement mais d’aider le corps à se détoxifier, et donc à mieux fonctionner.
Une des meilleures praticiennes qu’il m’a été donné de rencontrer dans le domaine est Stéphanie Legris, qui draine, palpe-roule et masse à l’hôtel Hoy (au 68 rue des Martyrs, Paris 9ème) ou à domicile.
Elle a le regard tendre et le geste tonique… Et fait passer la pilule de ladite tonicité avec beaucoup d’humour.
Le bonus, c’est la sensation d’infinie légèreté ressentie après être passée entre ses mains.
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S’approvisionner comme un chef
La semaine, Sylvain source des produits d’exception à destination des chefs.
Le vendredi après-midi, il offre aux gastronomes parisiens (ou de passage à Paris) la possibilité de s’emparer des mêmes fruits et légumes que ceux qu’il livre dans les meilleurs restaurants.
De 12h à 19h, on voit ainsi défiler dans cet antre gourmand du 9ème arrondissement une multitude de becs fins bien renseignés, de visages connus du milieu et de têtes chercheuses d’aliments remarquables (et remarquablement abordables).
À la grande joie de s’approvisionner en denrées rares ou inconnues s’ajoute celle d’écouter Sylvain conter leurs saveurs et les plus belles manières de les mettre en valeur.
C’est au 10 rue Alfred Stevens que les choses se passent et vous trouverez sur le compte Instagram de Trouvailles Et Terroirs les informations essentielles sur les ouvertures ou fermetures exceptionnelles.
Investir dans un verger
On connaît les défis rencontrés par les agriculteurs français qui nous nourrissent : prendre le virage de pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement, tout en s’assurant de la pérennité de leurs activités alors que 50% d’entre eux vont partir à la retraite dans les 10 prochaines années…
L’agriculture de demain repose sur l’éclosion d’un modèle pérenne aujourd’hui et l’épine réside dans son financement. Il nous est désormais possible d’y participer en récoltant un loyer et une plus-value potentielle. Je vous explique.
J’ai rencontré Paul Rodrigues autour d’un café. Après avoir labouré pendant 6 ans dans les domaines de la finance et de la tech, ce fils d’agriculteur a voulu remettre les mains dans la terre et, par-dessus tout, reconnecter les agriculteurs et les particuliers en lançant Hectarea avec son ami Adime Amoukou.
Le principe de leur petite entreprise qui adresse la crise est le suivant : permettre aux particuliers d’investir dans le foncier agricole (c’est-à-dire dans un morceau de parcelle), en contrepartie d’une rémunération versée par les agriculteurs sous la forme d’un loyer qui s’élève à 2-4% de l’investissement et d'une plus-value potentielle lors de la revente du terrain (étant précisé que la valeur de la terre a augmenté en moyenne de 4% par an sur les 10 dernières années).
Une manière d'aider les agriculteurs à se financer et à amorcer la transition écologique, tout en valorisant son épargne à long terme, en somme.
Chaque nouveau projet agricole est financé via une levée de fonds et il est possible d’y participer dès 500 euros. Le prochain projet sera lancé ce jeudi 14 novembre et c’est dans les vergers d’Antoine que nous pourrons investir. Après avoir œuvré pendant des années au sein de domaines viticoles prestigieux, il est revenu sur les terres normandes de ses grands-parents pour y infuser son savoir-faire et produire des cidres bio et naturels d’exception.
Ces cidres, autant que ce beau projet, ont la délicieuse saveur de l’engagement et si vous avez vous aussi envie d’y goûter, la levée de fonds dédiée est accessible juste ici.
Chaleureusement,
Jessica
Dans ces temps incertains, anxiogènes, parfois violent, la douceur, la gourmandise et la générosité de ta voix, de tes mots est une parenthèse nécessaire.
Je me plonge avec délice dès que possible dans ce moment nourricier.
Merci ✨💖
La forme et le fond sont délicieux, bravo Jessica !