(gratuit) Éteindre les écrans et autres pistes pour inviter le printemps
Le dos de la petite cuillère #6
« Le dos de la petite cuillère », c’est la missive que vous recevez une fois par mois sur abonnement gratuit à ma newsletter.
Afin d’explorer tout ce que la vie recèle de gourmandises, je vous soumets ici des découvertes éclectiques qui nourrissent le quotidien et invitent à le ressentir plus intensément.
Dans cette sixième édition, envoyée au seuil du printemps, je vous propose d’éteindre les écrans pour lire (ou inversement), d’embarquer sur la route de l’Idéal, de vous faire masser sur l’eau, de rejouer les souvenirs d’été et de cuisiner l’entre-saison.


Éteindre les écrans pour lire
… ou lire pour éteindre les écrans.
« Je n'aime pas tous les livres, mais j'aime les livres plus que tout », écrit Julia Kerninon dans Le passé est ma saison préférée, avant d’ajouter « et ceux que je préfère sont ceux qui me parlent du passé, qui semblent en tirer des leçons, traverser le temps par la pensée. »
J’aime tellement Julia Kerninon que j’ai envie de tout penser comme elle mais je crois que moi, je préfère les livres qui me parlent du présent. Et j’aime plus que tout les livres qui me secouent dans ma manière de vivre par ce qu’ils décrivent des mécanismes à l’œuvre à l’intérieur de nous et autour de nous.
C’est l’effet que me font ceux de Julia et dans un registre tout différent, c’est l’effet que m’a fait Époque, le second roman de Laura Poggioli récemment paru aux éditions de l’Iconoclaste.
Époque met en lumière les ravages de l’addiction numérique à travers l’histoire de Lara, qui accompagne une équipe soignant des adolescents drogués aux écrans. La description de l’impact de l’ultra-connexion sur le cerveau et la santé mentale des plus jeunes glace le sang mais ce qui m’a le plus bouleversée, ce sont les batailles que Lara mène avec ses propres addictions : « celles dont je peux parler en riant gentiment, celles plus ennuyeuses que je prétends régulièrement abandonner, celles définitivement honteuses que je tais »… Autant de fêlures intimes, parfois inavouables et pourtant tellement universelles.
À la lecture d’Époque, on s’interroge : dans notre rapport aux écrans, où se situe la frontière entre la lumière et l’abîme ? Combien de fois par jour l’appel d’une application est-il plus fort que notre volonté ? Dans quelle mesure notre téléphone nous rend-il psychiquement indisponible à certains moments ? Quel vide l’objet connecté est-il destiné à combler en nous et quel vide crée-t-il autour de nous ? À travers les milliers de messages et de clichés envoyés, jusqu’où nous mettons-nous en danger ?
Et finalement : comment se sauver ? Comment réparer notre monde ? Par la littérature, bien sûr, nous souffle Joël Dicker dans La grande librairie.
Embarquer sur la route de L’Idéal
Ma rencontre avec Julia Sammut avait le goût de l’évidence. C’était il y a deux étés, à la caisse de son épicerie L’Idéal à Marseille. Je connaissais son visage et adorais son approche de la table pour la suivre sur Instagram. Au moment de payer, je lui ai dit à quel point je m’étais régalée et ai plaisanté sur le fait de m’être accordé deux verres de vin seule à midi (oh ça va, c’était cet été-là). Elle m’a répondu qu’elle adorait mon travail et j’ai rougi du plaisir d’être reconnue par une personne que l’on admire.
Nous nous sommes revues à Florence, en Italie, où nous avons chacune nos habitudes pour des raisons différentes, puis à Paris, où je l’ai interviewée pour mon podcast.
Quelques jours plus tard, elle partait en Toscane avec son mari Antonio pour aller à la rencontre d’artisans et de producteurs. Elle m’a proposé de les accompagner comme on proposerait de prendre un café, ou plutôt comme cette épicière de génie aborde la vie : dans la joie, la gourmandise et la simplicité. J’ai dit oui comme on avale un ristretto et je les ai suivis sur la route des délices.
Ce voyage était si truculent et si nourrissant que nous nous sommes dit qu’il fallait raconter les coulisses de cette recherche de produits d’exception, qu’il fallait partager le savoir-faire et l’histoire dont sont imprégnés cette charcuterie au nom énigmatique, cette huile d’olive nouvelle ou ce café super crema qui se dégustent aujourd’hui à l’Épicerie.
C’est ainsi que Radio L’Idéal est née. Le premier épisode de cette émission est dès à présent disponible à l’écoute et j’espère de tout cœur que nous avons réussi à transmettre un peu du grand régal de ce périple, de la passion des artisans et producteurs de bonheur et, par-dessus tout, de l’irrésistible plaisir de manger.


Rejouer les souvenirs d’été
La musique possède le pouvoir exceptionnel d’être à la fois un catalyseur et un exhausteur d’émotions. Certaines chansons parviennent ainsi à nous mettre en joie les matins maussades ou à nous tirer des larmes les soirs d’indolence ; d’autres accélèrent les marées, élèvent l’intensité d’une allégresse, d’un amour ou d’un chagrin qui jouaient déjà leurs premières notes en nous.
La musique de Ludovico Einaudi fait partie de celles qui font systématiquement déborder tous mes ressentis. Experience, par exemple, s’apparente à une grande entreprise de chambardement du cœur. Et l’interprétation d’Elegy for the Arctic sur une plateforme flottant au milieu de l’océan Arctique en juin 2016 afin de soutenir l’opération « Save the Arctic » de Greenpeace est l’un des plus poignants plaidoyers pour la défense de l’environnement qui soient (avec une apogée autour d’1:25, lorsque des pans de banquise répondent à la mélodie dramatique en se décrochant dans un fracas).
Le compositeur et pianiste italien de 69 ans vient de sortir un nouvel album intitulé « The summer portraits », inspiré par une série de peintures qu’il a observées sur les murs d’une villa de vacances sur l’île d’Elbe, en Toscane. Dans chacun des morceaux, il revisite un souvenir d’été de sa jeunesse comme pour le rejouer. « Summer is not just a season, it’s like a season of your life. It’s a specific moment of your life where you experience a lot of things » explique-t-il. « Everyone has its specific summer portraits ». Et l’écoute de cet album fonctionne comme une formidable machine à remonter nos propres souvenirs et les émotions spécifiques qui y sont liées. Pathos me touche particulièrement, avec ses allures de vague qui s’amplifie implacablement au fil du crescendo… Jusqu’à nous submerger tout entiers.
Se faire masser sur l’eau
Saviez-vous qu’il existe des spas qui prodiguent des soins aquatiques ? Je l’ignorais, jusqu’à ce que mon amie Cécile Bury m’offre un massage flottant au Spa Clēmēns pour mon anniversaire.
L’expérience sensorielle était assez inédite pour que je vous la partage aujourd’hui. J’ai pénétré dans une cave voûtée du 18ème siècle qui a rapidement été plongée dans la pénombre pour n’être plus éclairée qu’à la bougie. Je suis ensuite entrée dans un bassin d’eau douce chauffée à 35 degrés avec ma masseuse attitrée, qui était comme moi vêtue d’un maillot de bain (très élégant au demeurant). Puis pendant une heure, j’ai flotté de tout mon long sans effort par la grâce de flotteurs et été baladée, palpée, réconfortée par mon aquathérapeute à l’agilité de sirène.
J’ai croisé de nombreuses femmes enceintes avant et après mon massage et pour cause : un soin dédié leur est proposé, de même qu’aux bébés. Et je peux imaginer que la douceur enveloppante du moment leur convienne particulièrement. Je recommanderais toutefois l’expérience avec plus de réserve dans deux hypothèses. D’une part, et pour des raisons assez évidentes, le moment risque de ne pas être que grâce et volupté si vous souffrez du mal de mer. D’autre part, et je l’ai vérifié à mes dépens, vous prenez des risques si vous vous y adonnez un jour de gueule de bois, en raison de la proximité d’état avec la première hypothèse. D’autres remèdes soigneront plus efficacement votre mal ces jours-là, comme une bonne pizza, ou des huîtres pour rester dans le domaine aquatique.


Cuisiner l’entre-saison
Je n’ai aucun goût pour les conversations qui tournent autour de la météo et ferme donc mes écoutilles dès que j’entends un début de gémissement sur le mauvais temps que l’on se traîne depuis trop de semaines pour les compter. Je peux en revanche parler de nourriture sans jamais m’essouffler et, ne reculant devant aucune contradiction, je dois avouer que j’arrive au bout de mon enthousiasme pour les légumes d’hiver. Courges, potirons, carottes, panais et poireaux, je vous aime mais je vous ai assez vus pour cette année. Les divines asperges n’étant pas encore tout à fait arrivées sur les étals, je suis un peu moins inspirée qu’à l’accoutumée pour cuisiner. C’est là que mes amies Emilie Bouguereau (qui est artiste et a fondé la marque de joaillerie Luce) et Charlotte Parfois (qui est chanteuse et a fondé la marque d’art de vivre Wabi) font leur entrée.
La salade César, j’adore ça, mais je ne pense jamais à la préparer chez moi. Emilie m’en a composé une version avec laquelle elle a pris quelques libertés et, accompagnée de la sauce César de Charlotte, c’est tout ce que j’ai envie de manger jusqu’à nouvel ordre. En voici les recettes :
La salade César d’Émilie :
Lavez du cœur de laitue romaine ;
Préparez les croûtons en découpant des dés de pain, puis en les imprégnant d’huile d’olive et d’ail semoule avant de les faire dorer au four ;
Faites cuire des blancs de poulet ou, comme nous le faisons le plus souvent dans la vraie vie, achetez-en un déjà rôti ;
Assemblez en ajoutant des câpres, un œuf dur ou mollet, des tomates séchées, un peu de piment de Cayenne, de la cébette et du parmesan (en copeaux ou râpé finement).
La sauce César de Charlotte :
En vidéo ou au clavier :
Au mixeur plongeant, faites monter un jaune d’œuf, une grosse cuillère à café de moutarde de Dijon, 1 ou 2 filets d’anchois et une gousse d’ail râpée avec environ 6 cuillères à soupe d’huile de tournesol ;
Quand la sauce est bien crémeuse, ajoutez une cuillère à soupe de sauce Worcestershire (répétez après moi) et du parmesan râpé (environ 2 cuillères à soupe).
Plus que 11 jours avant le printemps !
Chaleureusement,
Jessica
PS : j’ai choisi de ralentir le rythme de mon podcast Ressentir : deux interviews seront désormais diffusées par mois, au lieu de quatre. L’idée, c’est de me laisser à nouveau le temps de vivre et le souffle pour me nourrir :) Et je me dis aussi qu’avec ce nouveau rythme, les épisodes auront l’espace pour être pleinement savourés… D’autant qu’une surprise arrive en mars. En attendant, et si vous l’aviez raté, je vous recommande chaudement d’écouter l’épisode avec Julia Kerninon, par exemple.
Merci beaucoup chère Jessica pour ces lignes toujours magnifiquement écrites et pour ces belles découvertes que tu nous fait faire ♥️
Chère Jessica,
Merci pour cette nouvelle merveilleuse lecture 🙏☀️
Vous êtes le soleil de mon hiver, le combava de mon sel, le zeste d'orange de ma tablette de chocolat ... Vous êtes la touche qui illumine et sublime tout ✨💜 A travers votre regard, tout prend une nouvelle saveur et nous invite à une appréciation nouvelle de la vie, toujours dans une douceur épicée et une gourmandise assumée des belles et bonnes choses 🥰