(gratuit) Raconter de belles salades
et autres pistes pour exhausser le goût de l’été / Le dos de la petite cuillère #8


« Le dos de la petite cuillère », c’est la missive que vous recevez une fois par mois sur abonnement gratuit à ma newsletter.
Afin d’explorer tout ce que la vie recèle de gourmandises, je vous soumets ici des découvertes éclectiques qui nourrissent le quotidien et invitent à le ressentir plus intensément.
Dans cette huitième édition, je vous propose de raconter de belles salades, de délaisser votre téléphone, d’avoir la (peau de) pêche, de vous offrir un bout d’Espagne et d’utiliser l’expression qui fait barbecue.


Raconter de belles salades
Le sacre de mal-aimés
Je voue une passion sans limite à deux aliments qui peinent à séduire une bonne partie de la population : les haricots blancs et les anchois.
La recette suivante réunit ce duo de vedettes et elle est l’une de mes préférées du moment.
Ingrédients :
1 boite de haricots blancs
2 tomates bien charnues (ici rouge et jaune)
4 filets d’anchois
Ricotta
Oignon cébette
Basilic
Olives de Kalamata
Huile d’olive
Ail
Paprika, piment, cumin, curcuma, sel, poivre
Noisettes
Choisissez une belle conserve de haricots blancs et rincez-les abondamment à l’eau froide.
Déshabillez les tomates de leur peau - l’astuce, c’est de faire une incision en croix à la base du fruit et de le plonger quelques secondes dans l’eau bouillante puis dans l’eau froide.
Réunissez les haricots blancs et les tomates et bénissez-les d’huile d’olive extra-vierge pressée à froid. J’aime bien faire infuser ladite huile d’olive dans un bol avec un peu ail pressé et des épices (paprika, piment, cumin, curcuma…) pendant le temps nécessaire à l’opération tomates.
Conviez les filets d’anchois découpés, des olives de Kalamata, de l’oignon cébette détaillé et du basilic.
C’est merveilleux tout de suite mais ça l’est encore plus lorsque les ingrédients ont eu l’opportunité de s’imprégner de la saveur des uns et des autres au frigo. J’en réalise donc toujours deux portions : une pour en profiter d’emblée et une autre pour jouir de ce plaisir à retardement.
Juste avant de déguster, ajoutez de la ricotta (que je remplace parfois par de la feta) et parsemez de graines (ici des noisettes torréfiées mais cela fonctionne bien aussi avec des amandes ou des pignons de pin, par exemple).
Si vous avez vraiment faim, ce qui est toujours une bonne chose, ajoutez des croutons, idéalement réalisés en découpant une belle tranche de pain frottée à l’ail, puis en passant quelques minutes au four ou à la poêle les cubes arrosés d’huile d’olive.


Délaisser son téléphone
Deux livres pour se nourrir
Face à la violence de l’actualité et au vide intersidéral que je ressens en ce moment lorsque je passe trop de temps sur les réseaux sociaux, j’essaie de mettre en place toute une série de techniques pour être moins sur mon téléphone. Voici deux livres qui m’en ont détourné avec beaucoup de facilité.
« Intérieur nuit » de Nicolas Demorand, d’abord (publié aux Arènes). Ce petit livre est tellement grand. Il se lit d’un souffle, attrape le cœur et ouvre les yeux. Que sait-on de la maladie mentale ? Que sait-on de la souffrance de celles et ceux qui nous entourent ?
Le journaliste qui co-pilote depuis 2017 la matinale la plus écoutée de France (celle de France Inter, avec Léa Salamé) y fait son « coming out » sur les troubles bipolaires dont il est atteint… Une maladie mentale stigmatisée qui touche pourtant près d’un million de Français. Il raconte l’errance médicale, la honte ressentie, la dissimulation par peur du regard des autres et de tout perdre, les thérapies et les traitements divers et (a)variés, les grands huit dans ses émotions et son énergie, mais aussi la lumière, l’amour et l’amitié.
Le deuxième livre est tout aussi nourrissant mais plus léger dans sa digestion.
A la fin du dernier épisode de mon podcast Ressentir, Garance Doré lit, hilare, un extrait de « Chien couchant » de Françoise Sagan. Je ne l’avais pas encore lu et en farfouillant dans le rayon dédié à l’autrice à la librairie, j’ai trouvé ce recueil d’Aphorismes & pensées (publié chez Julliard). Il rassemble plus de 300 citations extraites de l’ensemble de l’œuvre de Sagan. Je vous en glisse quatre, pour partager le plaisir de ses mots et vous donner l’envie de découvrir tous les autres :
« L’amour consistait à partager la vie, comme on partage le pain, gaiement ou tristement, mais il ne consistait en aucun cas à faire de la vie cette alternance de caresses et de coups de fouets, cette chose à subir ou à infliger. » Le lit défait
« Je déteste chez les autres le sentiment de sécurité, ce qui rend tranquille. Seuls les excès me reposent, intellectuels et physiques. » Je ne renie rien
« La fête est une chose secrète, sacrée et sacrilège. La fête ne se fait pas avec des plumes dans une boîte de nuit, elle se fait dans le noir avec quelqu’un. » Je ne renie rien
« La mémoire est aussi menteuse que l’imagination, et bien plus dangereuse avec ses petits airs studieux. » Derrière l’épaule


Avoir la (peau de) pêche
Rendez-vous chez la Fessialiste
Cela fait des années que je vois des copines poster des stories de leurs passages chez une certaine « Fessialiste ». Ma curiosité a fini par être titillée par le savoureux jeu de mot et je suis allée éplucher le compte Instagram des studios qui affirment « sculpter les plus belles jambes depuis 2006 ».
La promesse est séduisante, d’autant que mes gambettes m’ont toujours paru avoir été oubliées par les fées penchées au-dessus de mon berceau à la naissance. « Elle aura qu’à ne pas mettre de mini-jupes » ont-elles dû se dire.
Insaf Aouadi, la très sympathique fondatrice des studios, m’a écrit pour me proposer une séance d’essai et j’ai hésité à accepter, comme si j’allais tricher. Mais tricher avec quoi ?
Le body positivisme ambiant nous invite à accepter, peut-être même à aimer, notre corps exactement tel qu’il est. Et si on ne peut qu’encourager la célébration des corps sous toutes leurs formes, ainsi que la lutte contre les diktats esthétiques et les injonctions faites aux femmes… C’est nettement plus facile à dire qu’à faire. Et culpabilisant, quand on n’y arrive décidément pas face à son miroir.
Cela mène à des situations étonnantes où les femmes peuvent ouvertement afficher une pratique sportive très intense – en invoquant que c’est uniquement pour leur santé mentale et physique, bien entendu – mais où les autres « coups de pouce », qui vont de la teinture de cheveux au botox, en passant par le massage remodelant, sont pratiqués dans le plus grand secret. J’ai beaucoup de tendresse pour celles qui se défendent d’y avoir recours (y compris auprès de leur partenaire de vie) en dépit de l’évidence. Il faut dire que nous sommes nombreuses à avoir intériorisé que c’était un peu honteux, qu’il faudrait s’être réveillées comme ça, et que nous avons bien mieux à faire que de passer du temps et dépenser de l’argent pour faire bouger les lignes de ce que la nature a bien voulu nous donner.
J’espère arriver à accepter un jour mon corps tel qu’il est, et c’est ce que je souhaite profondément à chacune, mais en attendant, j’assume d’avoir donné un coup de pouce à mes jambes en passant entre les mains d’Insaf.
Voici comment cela se passe. Pendant la première séance, on analyse avec vous vos besoins, on vous pèse (pour déterminer la masse adipeuse, musculaire et hydrique) et on prend vos mensurations. Vous êtes ensuite invitée à enfiler une combinaison qui ressemble à un grand collant blanc. C’est presque gracieux, ça maintient tout en place et figurez-vous qu’elle sera vôtre pour tous les rendez-vous suivants. La praticienne passe ensuite sur votre corps une machine destinée à drainer, tonifier et sculpter par l’effet d’une technologie répondant au nom de stimulation multi micro alvéolaire. On ne vous promet pas de tour de magie, ce qui est rassurant, mais après la première séance, on a déjà l’exquise sensation d’avoir les jambes plus légères et de se déplacer avec plus de grâce. Ce fut à tout le moins mon cas. Au bout de la 8ème séance (j’en suis là et la cure est terminée), je trouve que mes jambes sont plus dessinées, grâce au drainage notamment, et que l’aspect de ma peau invite à la caresse, ce qui est très agréable à l’aube de l’été.
Il existe deux studios à Paris – un dans le 9ème et un dans le 11ème – et si le soin peut faire un peu mal pendant (selon votre degré de sensibilité), il fait définitivement du bien en sortant.


S’offrir une parenthèse espagnole
Mieux qu’un château, un dîner au resto
Je vous propose un exercice de visualisation. Vous êtes assis autour d’une table en bois avec vos amis. Vous ne savez pas exactement où vous êtes mais le cadre inspire le bon-vivre. La journée a été chaude et le verre de Cava que vous avez commandé en arrivant fait l’effet d’un éventail sur vos émotions.
Sont alors disposés devant vous de la cecina de León (une charcuterie de bœuf, à base de Wagyu en l’occurrence), des anchois de Cantabrie et du pan con tomate. Ça sent l’escale à Barcelone, peut-être même la baignade à Minorque. Sauf qu’ici, je vous le dis, c’est Paris.
Suivent une tortilla crémeuse à l’aïoli, des crevettes Carabineros, des palourdes au caviar, des coques à la soubressade… Ça va presque trop loin dans le délice, sauf que ce n’est pas fini.
Ce serait dommage de ne pas compartir un arroz à l’encre de seiche, surmonté de ces mêmes belles crevettes (dont il faut bien sûr sucer la tête).
Je vous apprends que ce restaurant aux allures de meilleur repaire de vacances ibériques s’appelle Casa Pregonda. Et qu’il ouvre ce mercredi dans le Marais.
Ce lieu de génie a été imaginé par une joyeuse bande comprenant notamment Valentine Dubois, qui a co-créé l’agence T109, et Alexandre Giesbert, le co-fondateur des restaurants Daroco que j’ai reçu à mon micro et qui signe ici son retour en cuisine.
Je vous recommande vivement d’y réserver une table. C’est l’une des plus excitantes ouvertures dont j’ai été témoin depuis longtemps.


Raconter des saucisses
L’expression qui fait barbecue
C’est sans doute mon expression préférée, et il m’a semblé opportun d’en parler pour faire la boucle avec la première recommandation de cette missive.
Elle entre dans le même registre que « raconter des salades » mais peut autant signifier « débiter des mensonges » que « dire n’importe quoi » ou « tenir des propos farfelus ». Elle vient probablement de l’idée qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’il y a dans une saucisse. Et je pense que c’est précisément ce qui fait sa saveur.
Elle dédramatise les mythos ou autres divagations de la pensée en y ajoutant une dimension comique. Cela donne par exemple : « Arrête de raconter des saucisses, tonton ! ». Ou « C’était l’heure où il ne se racontait plus que des saucisses ». Mais encore : « Il est raconteur de saucisses en chef, ce mec ».
Je vous laisse sur ces calembredaines et vous souhaite d’ores et déjà un très bel été.
Chaleureusement,
Jessica
PS : les portraits figurant en tête de cette missive ont été pris par la talentueuse Chloé Bruhat.
PS2 : l’idée originelle de la salade haricots blancs - tomates revient à mon amie Emilie Bouguereau, qui préfère l’agrémenter de thon que d’anchois, ce qui est une alternative de choix.
Raconter des saucisses ????? Meilleure découverte du mois. Je connaissais pas du tout !
Les anchois de Cantabria 😍 je partage cette passion avec toi.