S’agiter dans le noir et autres pistes pour entamer l’année avec le dos de la petite cuillère
Ceci n’est pas une liste de bonnes résolutions.
« Le dos de la petite cuillère », c’est la missive que vous recevez une fois par mois sur abonnement gratuit à ma newsletter.
Afin d’explorer tout ce que la vie recèle de gourmandises, je vous soumets ici des découvertes éclectiques qui nourrissent le quotidien et invitent à le ressentir plus intensément.
Dans cette quatrième édition, envoyée aux savoureuses prémices d’une nouvelle année, je vous propose de dynamiser vos pensées, d’égrainer ce qui fait le sel de la vie et de cuisiner l’inconnu.
Dynamiser ses pensées
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Sur les sept dernières années, j’ai changé deux fois de métier et habité dans trois appartements différents, des histoires d’amour ont flamboyé dans mon cœur avant s’y éteindre, de nouvelles amitiés se sont nouées et d’autres se sont délitées… Mais par-delà tous les changements que j’ai pu embrasser, Dynamo est resté.
Dynamo est un concept qui, de ses propres mots, « révolutionne l’indoor cycling en proposant un entraînement complet qui connecte le corps et l’esprit en rythme avec la musique ».
Il compte aujourd’hui 10 studios, 8 à Paris et 2 en région. Depuis sa création, des centaines de milliers de femmes et d’hommes (une majorité de femmes, tout de même) sont entrés dans ces studios et une régalante mythologie s’est construite autour de ce qui s’y déroule.
Plusieurs récits alternatifs ont contribué à auréoler cette pratique de mystère.
Il y a d’abord le récit des adeptes, qui vénèrent leur coach préféré comme un gourou ou un messie, qui parlent de leurs séances comme de la meilleure des psychothérapies et qui se sentent naturellement investis d’une mission : celle de convertir tous ceux qu’ils croisent à cette pratique dont ils jurent qu’elle a changé leur vie.
Il y a ensuite le récit des réfractaires, qui s’y sont aventurés une fois, racontent qu’ils ont cru qu’ils allaient tomber de leur vélo, s’évanouir, voire mourir et – même si rien de tout cela n’est arrivé – jurent qu’on ne les y reprendra plus.
Il y a enfin le récit des humoristes et autres manieurs de bons mots qui évoquent un concept obscur (et pour cause : les cours se déroulent dans le noir) en vertu duquel un coach triomphant sur une estrade face à un parterre d’une cinquantaine de vélos alignés au cordeau scande le rythme à coup d’elliptiques « droite, gauche, droite, gauche » ou « droite, droite, droite, droite » et assène des enchaînements dans une langue que seuls les habitués semblent habilités à déchiffrer.
Alors, où se trouve la vérité ? Sans doute dans chacun de ces récits. Mais comme c’est moi qui tiens la plume aujourd’hui, je vais vous raconter l’expérience que j’en ai, après plus de 1000 heures passées chez Dynamo, et vous expliquer pourquoi moi aussi, cette pratique a changé ma vie.
Chloé Bouscatel, la co-fondatrice de Monday Sports Club (un groupe comprenant trois concepts sportifs, dont Dynamo), affirmait au micro de mon podcast Ressentir qu’ils œuvrent à donner un nouveau visage au sport, décorrélé de la notion de performance et de l’objectif de perdre des kilos, au profit d’une expérience joyeuse et inspirante, avec le bien-être mental en ligne de mire.
J’avoue que je n’y croyais pas trop au début, quand j’observais ces femmes au premier rang enchaîner les mouvements avec des coups de pédale parfaitement assurés, comme des fusées aux brassières ajustées et aux abdos dessinés.
Au fil des cours, j’en suis toutefois venue à conscientiser que le plus grand effet de ces fameux coups de pédale en rythme était de libérer mes émotions et de mettre mon esprit en mouvement.
Sur ces vélos, j’ai connu mes plus puissantes épiphanies, j’ai pris un nombre incalculable de décisions pro et perso (j’ai notamment démissionné du cabinet dans lequel j’étais avocate à l’issue d’une séance un lundi matin), j’ai trouvé des solutions à des problèmes qui me paraissaient insolvables, j’ai rencontré mon mari, j’ai pleuré la rupture avec mon mari et globalement, j’ai versé des litres de larmes (et ai souvent deviné celles des autres).
Pendant toutes ces heures, je n’ai pas regardé mon téléphone, j’ai plané, je me suis concentrée, je me suis décentrée… Et si le culte du corps est bien absent des discours, Dynamo a eu un effet évident sur la manière dont je m’entends avec le mien aujourd’hui. Comme beaucoup de femmes, on s’est pas mal disputé, lui et moi (je l’évoquais ici). Le fait de le sentir me porter dans l’effort, d’observer son agilité grandissante et de voir mes muscles gagner en panache a largement contribué à notre réconciliation.
Je comprends que l’on puisse envisager comme une pénibilité insurmontable de se rendre dans une salle pour aller transpirer à l’aube ou après une longue journée de travail. Pourtant, ce que je ressens profondément à chaque fois que je m’y rends, mais aussi quand j’y suis ou quand j’en sors, c’est de la joie. Une expression symptomatique des ravis de la crèche s’affiche invariablement sur mon visage. Elle tient en partie à la chimie des hormones du bonheur qui sont libérées lorsque l’on fait du sport… Mais aussi, certainement, à ce que cette pratique s’emboîte parfaitement dans mes pleins et mes creux.
Ma vraie intention ici n’est pas de faire du prosélytisme pour Dynamo (ce texte n’est d’ailleurs pas sponsorisé, cela mérite d’être précisé) mais de vous inviter à profiter, peut-être, de ce tremplin de compétition pour la motivation que constitue chaque début d’année pour vous essayer à de nouvelles pratiques, si vous n’avez pas encore trouvé la chaussure idéale dans laquelle prendre votre pied.
Il y a quelque chose de résolument ingrat à se lancer dans un sport. On peut avoir une plus ou moins bonne condition physique et une plus ou moins bonne capacité à coordonner ses mouvements, on se retrouve toujours démuni. Mais elles ne sont pas si nombreuses, les expériences qui nous font repartir de zéro et nous confrontent à la complexité avant de nous faire remarquer que nous sommes capables de la dépasser et de devenir bon dans un nouveau domaine. C’est un superbe apprentissage de la patience, de la persévérance et de l’humilité (des qualités plutôt enviables dans la vie) et cela permet parfois, comme une cerise sur le gâteau de la confiance en soi, de dénicher la pratique qui nous sauvera de tout.
Égrainer ce qui fait le sel de la vie
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« Le sel de la vie » de Françoise Héritier est sans doute le livre que j’ai le plus offert. L’autrice – qui est une anthropologue, ethnologue et militante féministe française décédée en 2017 – y énumère des sensations, des perceptions, des émotions, des petits plaisirs, des grandes joies mais aussi des peines, qui sont les jalons goûteux de notre existence et la rendent tellement plus riche et plus intéressante que ce que l’on croit.
Parmi ses propositions, j’ai notamment relevé : pleurer au cinéma, écouter la vie en soi, soupirer d’aise, essayer de saisir le moment où l’on s’endort, être mauvais joueur avec de mauvais joueurs, être ému aux larmes, avoir les yeux plus gros que le ventre, discuter toute la nuit, observer la démarche des passants et faire de la psychologie sauvage, regarder avec convoitise les plats servis à ses voisins, se faire masser la tête, trouver enfin le mot juste, s’en vouloir de parler trop vite ou d’avoir envie de finir les phrases de ceux qui s’expriment avec lenteur, tenir l’amitié pour un engagement, commander à l’étranger un plat à l’aveuglette, avoir des grandes bouffées d’enthousiasme mais aussi d’inquiétude, bâfrer du saucisson et des cornichons, mettre un beau couvert, lire à voix haute…
J’ai réalisé une lecture à voix haute d’un extrait de cet ouvrage-bijou dans le nouvel épisode de la série de « Ressentir les livres » de mon podcast. Et pour tirer plus amplement le fil de ces saveurs, je vous propose un exercice délicieux : celui d’identifier à votre tour ces grains, petits ou grands, ronds ou rugueux, qui font le sel de votre vie.
Cuisiner l’inconnu
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Je n’éprouve aucun embarras à cuisiner les mêmes plats plusieurs fois par semaine et vivant seule, personne ne peut prétendre à m’opposer une quelconque lassitude face à la répétition des menus.
Mais au confort de l’habitude et au plaisir de la maîtrise se substitue parfois l’envie frissonnante de me frotter à l’inconnu.
Je me rends alors chez mon primeur-dealer de prédilection (Terroirs d’Avenir) pour dénicher sur ses étals des aliments que je n’ai jamais cuisinés ou dont je n’ai parfois même pas entendu parler.
Lors de ma dernière visite destinée à provoquer en moi cet émoi de la nouveauté, c’est sur les cime di rapa que j’ai jeté mon dévolu. C’est ainsi que l’on appelle ce brocoli-rave dans les Pouilles, où je l’ai dégusté pour la première fois dans son mariage iconique avec les orecchiette, béni comme il se doit de chapelure dorée à l’huile d’olive.
Selon les régions, les cime di rapa sont aussi appelés friarielli (Campagnie), broccoletti (Latium), rapini (Ombrie, Toscane) ou encore broccoli di rapa (Pouilles, Campagnie).
Leur cœur de saison est le plein hiver, qui sied parfaitement (la nature est décidément bien faite) à son goût marqué, amer et suavement végétal.
Après avoir été débarrassés de leurs atours les plus fibreux puis détaillés, ils sont sublimes cuits 5 minutes dans l’eau bouillante salée puis sautés dans une poêle à l’huile d’olive avec de l’ail, du piment et des filets d’anchois (qui vont se dissoudre). Au-delà de leur association mythique avec des pâtes, ils copinent merveilleusement avec d’autres légumes (comme des brocolis) et s’étalent avec joie sur des pizza. Si vous n’aimez pas les anchois ou que les anchois ne vous aiment pas, vous pouvez les remplacer par de la saucisse (nature ou au fenouil). Et si vous n’en trouvez pas de frais, procurez-vous une de ces conserves presque trop belles pour être ouvertes, en Italie ou dans les meilleures épiceries de notre pays (celle-ci vient de L’Idéal à Marseille).
Je vous souhaite une très gourmande année 2025.
Chaleureusement,
Jessica
Bonsoir Jessica
Je suis abonnée à la vie gourmande mais impossible de lire vos missives délicates et délicieuses depuis quelques jours 😩
Bonjour Jessica j’adore te lire à chaque fois!!! J’espère ne pas te mettre un peu la pression en disant que je crois avoir compris que tu écrivais un livre. Et je l’attends avec impatience. 🍀🍀🍀
merci pour toutes ces newsletters 👍🙏 😊